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Je suis le vent qui roule, et je m’entends bruire
Parmi le vol agile et bleu des libellules ;
Au visage des eaux, j’ai vu mes yeux reluire,
Et mon sang a teinté les roses campanules,
Pendant que de la sève en moi se coagule.
Je parle avec l’écho et vogue à l’unisson
Des traînantes rumeurs que le bois dissimule,
Et je m’épanouis aux primes floraisons.

ENVOI

O printemps, roi puissant, dans mes veines ondule
Ton ame. Et, libéré de la folle raison,
Je mêle aux mots profonds que ta lèvre module
Mon cantique d’amour, vibrante floraison.

(A travers le Voile.)

SOTTO VOCE

Il est doux de mourir un peu
Aux berges des forêts mouillées,
Et parmi les feuilles rouillées
Où s’égoutte du brouillard bleu ;
Il est doux de mourir un peu.
Il est doux de n’être plus rien
Que la brume qui s’échevèle,
Moins que le frôlis sourd d’une aile,
Aux velours pourpre des fusains ;
Il est doux de n’être plus rien.

Il est doux de mourir un peu
Avec les eaux qui se corrompent,
Avec les lointains qui s’estompent.
Avec les buis, les houx fangeux ;
Il est doux de mourir un peu.
Il est doux de n’être plus rien,
Moins que le frisson d’une rose,
Dont le vent d’hiver décompose
La chair de nacre et de carmin.
Il est doux de n’être plus rien.

(A travers le Voile.)