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« Ce qui a manqué souvent aux parnassiens et aux symbolistes, c’est l’humanité. Ils n’ont voulu être que des artistes, et ils furent tels. Ils n’ont pas songé que ce qui nous intéressé dans l’artiste, c’est l’homme, car c’est l’humanité qui est la commune mesure entre lui et nous. Nous qui venons après eux, instruits par leur exemple, nous rêvons un art plus enthousiaste à la fois et plus tendre, plus intime et plus large, un art direct, vivant, et d’un mot qui résume tout : humain. Nous voulons une poésie qui dise l’homme, et tout l’homme, avec ses sentiments et ses idées, et non seulement ses sensations, ici plus plastiques, là plus musicales. Tous les grands poètes de tous les temps, en même temps que des artistes, étaient des hommes, c’est-à-dire des pères, des fils, des amants, des citoyens, des philosophes ou des croyants. C’est de leur vio même qu’étaient faits leurs rêves. Après l’école de la beauté pour la beauté, après l’école de la beauté pour le rêve, il est temps de constituer l’école de la beauté pour la vie.

« Nous ne proscrivons pas le symbole ; mais qu’il soit clair. Un beau symbole obscur, c’est un beau coffret dont on n’a pas la clef. Il y a d’admirables symboles dans Vigny ; mais on les comprend. On peut dire de façon intelligible les choses les plus profondes. Accumulez les symboles tant que vous voudrez, pourvu que derrière on sente battre un cœur d’homme et penser une tète harmonieuse. Nous sommes las d’une certaine impassibilité et d’une certaine incohérence.

« Puisque les poètes d’une génération sont nécessairement amenés à se grouper sous une appellation commune, je crois que le mot le plus juste qui puisse qualifier le mouvement de la nouvelle génération est le beau mot, rajeuni et élargi encore à cette occasion, d’HuMANisME. Il signifie bien que nous voulons réaliser une poésie humaine, après la poésie trop strictement artiste du Parnasse ou trop obscurément abstraite du Symbolisme. II renoue heureusement la tradition avec l’admirable Pléiade, qui, délaissant les allégories du moyen âge, et remontant à l’art antique, source de toute beauté, sut retrouver, sous les humanités, l’humanité. Par la Pléiade, il nous rattache à l’antiquité, d’une part à Chénier, et au Romantisme de l’autre ; car, comme tous les novateurs, nous sommes les vrais traditionnels. Enfin, il indique bien notre point de vue sur le monde, qui est, lui aussi, tout humain. Nous ne sommes ni mystiques ni sceptiques. Nous sommes plongés dans la vio : il faut la comprendre et la vivre. Mais je no veux faire allusion qu’en passant aux lointaines conséquences de l’humanisme au point de vue philosophique, religieux, politique et moral. Je me bornerai aussi à indiquer la relation immédiate qui s’établira entre la poésie humaine d’une part, et, d’autre part, un théâtre ou un roman humain dont on pourrait citer déjà maints exemples.