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MEUDON

Les yeux bleus d’une Clémentine, et ses bras blancs levés au jour vers chaque branche d’aubépine ; la matinée d’un jeune amour,

la balançoire et les tonnelles, dans les avoines quelqu’un qui siffle, nos morsures, tes petites gifles, et le glouglou du vin vermeil.

sur la nappe un rais de soleil, le bruit des fourchettes, la romance d’un Italien qui se balance et chante en regardant le ciel ;

dans un bois où l’azur s’appuie, nos bons sommeils, l’après-midi, sur mon cœur ta main qui repose, nos réveils parfois, et nos poses,

le retour au son de nos pas, ta gorge oppressée, tes soupirs, et la nature qui s’étire et fleure bon comme tes bras,

le couchant sur le mur en ruines (ô les lierres du BasMeudon !), le chemin noir qui se termine, la Seine, les frites, les goujons,

le ciel vert où tremble une étoile, Saint-Cloud qui s’allume, nos regrets, la vision du sentier pâle qui reconduit à la forêt,

(il mène à la gare, le jour tombe) — la laiteuse odeur dans l’espace des vernis du Japon, les glaces d’un train qui passe, ton frisson ;

le printemps, notre amour, ta foi, mes serments, nos pleurs, tes romances, le crépuscule au fond des bois, et nos longs baisers en silence.

ah ! c’est bête qu’on se rappelle de ces choses qui ne sont pas, qui sont en rêve et sont cruelles, et puis que l’on oublie déjà !

(Paris Sentimental.)