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Prodige édifié qui sanglote et sourit,
Tel que la mer immense ou que l’immense foule.
J’aurais voulu fixer le bronze ardent qui coule…
O désirs ! mots jetés ! jeux du jour et du vent !
J’aurais voulu créer des vers d’airain vivant.

(Le Jardin Secret.)

ABIME

Avez-vous vu la mer écumer dans le port ?
Parmi les sables fins que le flot fumeux ronge,
Devant la mer nocturne avez-vous fait un songe,
Seul, assis sur la plage à l’heure où tout s’endort ?

Un songe immense et doux de sommeil et de mort…
Oh ! glisser sous la vague, être un lambeau qui plonge !
Se mêler aux brins d’algue, au corail, à l’éponge !
Oublier le sol âpre et l’inutile effort !

Mais rien ne nous répond dans le flux qui s’élance.
Les flots inapaisés, plus sourds que le silence,
Ont hurlé d’un cri fou devant l’Homme importun ;

Et, du mouvant tombeau que notre cœur envie,
Ne monte à nous jamais dans le soir et l’embrun
Qu’un vain bruit sons parole aussi vain que la vie.

(Le Jardin Secret.)
ORGUEIL

Tout est vain, disions-nous quand nous allions rêvant ;
Tout est bref et léger comme notre âme est brève ;
Et, de la fleur éclose aux cerveaux lourds de sève,
A peine un parfum reste et va s’enfuir ou vent.

Tout est vain, chant sublime ou secret du savant ;
Tout est vain, disions-nous, comme est voin notre rêve…
Et pourtant, tous les deux, quand l’ombre aux cieux s’élève.
N’avons-nous pas frémi du même émoi souvent ?