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SILENCE

Si je ne puis, de mes doigts las,
A travers la faite éternelle,
Saisir au vent l’essor d’une aile
Ou les aromes des lilas,
Et — moi, vaine ombre fugitive,
Eriger haut sur le futur,
Dans le granit du verbe sûr,
Mon âme immortellement vive ;
Si très loin, sous mon front heurté,
Comme un bourdonnement d’abeille,
Un bruit mystérieux sommeille,
Toujours brui, jamais chanté ;
En ma pensée où la voix pleure,
Penché sur les mots indistincts,
J’écouterai les sons lointains
De la musique intérieure ;
Et, sur tous les parfums du ciel,
Sur tous les rayons des idées,
Je boirai, par amples ondées,
Au flot vivant de l’irréel.
Puis, quand la nuit sera venue,
Comme un enfant bercé sourit,
J’assoupirai mon calme esprit
Sur les sons de la voix connue ;
Et, me livrant à l’univers,
Je m’en irai, dans un sourire,
Sur les mots que je n’ai su dire,
Sur les mots rêvés d’un beau vers.

(Le Jardin Secret.)

OMBRE

Sur un autel, au feu des flambeaux du dimanche,
Mon âme a resplendi dans un riche ostensoir ;
A présent, sous la crypte à l’écrasant voussoir,
Je ne vois plus que l’ombre où mon front las se penche.