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posa L’Après-midi d’un Faune, dont le projet de réalisation théâtrale n’aboutit point… Avec le peintre Manet, Stéphane Mallarmé fréquenta les dîners de Victor Hugo, où celui-ci trônait, assis sur un siège plus haut que ceux des autres convives ; et volontiers il rappelait que l’auteur d’Hernani, très amicalement et en lui pinçant l’oreille, l’accueillait : son a cher poète impressionniste ».

« Stéphane Mallarmé, à cette époque, avait déjà publié sa traduction du Corbeau d’Edgar Poe, L’Apres-Midi d’un Faune, sa réimpression du Vathek de Beckford et donné, dans maintes revues, quantité de poèmes ; mais ces livres et ces pages n’étaient connus que des lettrés, et Mallarmé demeurait un peu ignoré, voire même méconnu. Enfin, en 1884, M. J.-K. Huysmans publia son roman À rebours, dont le héros, Jean des Esseintes, épris de littératures vraiment belles, et que « subjuguait de même qu’un sortilège » l'Hérodiade de Stéphane Mallarmé, « en aimait ces vers :

O miroir !
Eau froide par l’ennui dans ton cadre gelée,
Que de fois et pendant des heures, désolée
Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont
Comme des feuilles sous la glace au trou profond,
Je m’apparus en loi comme une ombre lointaine.
Mais, horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine.
J’ai de mon rêve épars connu la nudité !

comme il aimait les œuvres de ce poète qui, dans un siècle de suffrage universel et dans un temps de lucre, vivait à l’écart des lettres, abrité de la sottise environnante par son dédain, se complaisant, loin du monde, aux surprises de l’intellect, aux visions de sa cervelle, raffinant sur des pensées déjà spécieuses, les greffant de finesses byzantines, les perpétuant en des déductions légèrement indiquées que reliait à peine un imperceptible fil.» (À rebours, p. 260.) Et il semble bien que ce livre surtout, à beaucoup des jeunes écrivains d’alors comme au public, révéla Stéphane Mallarmé et son œuvre et décida de la gloire du poète. » (Paul Léautaud, Poètes d’aujourd’hui.)

Beaucoup d’entre ces jeunes poètes l’acclamèrent leur Maître, Et c’est alors que commencèrent les célèbres mardis de la rue de Rome. « Ceux-là seuls qui vinrent assidûment visiter sa retraite savent quel lucide, quel inquiétant esthète fut Stéphane Mallarmé. Pour connaître les ressources de cet esprit d’une netteté inoubliable, il faut avoir entendu sa parole pendant des années. Le souvenir des soirées de la rue de Rome restera toujours dans la mémoire de ceux que Stéphane Mallarmé admit auprès de lui, dans ce salon discrètement éclairé, auquel des coins de pénombre donnaient un aspect de temple ou plutôt d’oratoire… À ces auditeurs fidèles, Mallarmé se révélait d’une