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430 ANTHOLOGIE DES POETES FRANÇAIS


« Chante cet air par qui je t’ai bercée.

Seigneur, la vie est bien vite passée ! ... »


Le rouet tourne, et le chat réveillé

S’est étiré, lustré, débarbouillé ;


Il vient rôder autour de sa maîtresse,

Et son gros dos implore une caresse.


Son cri mignard l’appelle, il la regarde.

L’ingrate, hélas ! n’y daigne prendre garde !..»


Qu’a-t-elle donc aujourd’hui, la méchante.’

Le rouet tourne, et la fileuse chante !...


« Chat, maudit chat qui prend tout pour jouet,

Ne veut-il pas arrêter mon rouet ?... »


Le rouet tourne, et la fileuse rêve

En écoutant les vagues de la grève ;


Le même jour qu’elle était fiancée

Il est parti sur la mer courroucée !


Où donc est-il ? Que fait-il à cette heure ?

Le rouet tourne, et la fileuse pleure :


« Chat, maudit chat, prends garde à ton museau.

Le méchant drôle agriffe le fuseau !... »


Le rouet tourne, et la fileuse pleure :

L’absent a-t-il oublié sa demeure ?


Voilà dix mois qu’elle passe à l’attendre.

Oh ! si la mer n’allait pas le lui rendre !


Qu’elle serait cruelle, cette épreuve

De n’être pas épouse et d’être veuve !


Le chat, d’un bond, saute sur ses genoux,

La câlinant d’un frôlement très doux ;


Il a grimpé jusque sur son épaule ;

Dans son parler de bête, il la console :


« Sèche tes pleurs, ma belle désolée,

Le brick revient, la voile au vent gonflée ;



« Sur le gaillard d’avant, plein d’espérance,

Ton amoureux regarde vers la France. »