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Il va toujours, les yeux sublimes,
Et maintenant dans des rochers
Saignent ses genoux écorchés
Qui s’usent ainsi qu’à des limes,
En laissant aux vertes élymes
De rouges lambeaux accrochés.

"Non, non, c’est trop, dit la Chimère,
Et je veux descendre à la fin.
De tant de morts je n’ai point faim.
Tuer le fils après la mère !
Et pour un baiser éphémère !
Qui sait, même ? promis en vain !

— Ah ! tu me l’as promis, n’importe !
Répond l’enfant aux yeux hardis.
Moi, j’ai foi dans ce que tu dis,
Et je t’adore et je te porte,
Dussé-je mourir à la porte
Sans entrer dans mon paradis ! w

Et maintenant, par une rampe
Que hérissent des coutelas
Dont l’acier tinte comme un glas,
Sur son ventre que le sang trempe,
Épouvantablement il rampe,
Mais toujours fervent, jamais las.

De son ventre en bouillie immonde.
De ses bras à l’os fracturé,
Voici que rien n’est demeuré.
Il a l’air d’un tronc qu’on émonde.
Mais il dit : « Jusqu’au bout du monde,
Chimère, avec toi j’irai.

« Tant qu’il subsiste une parcelle
Vivante et palpitante en moi,
Elle est tienne, et toujours ma foi
S'élance aussi pure vers celle
Dont la chevelure ruisselle
Sur mon visage en pleurs, vers toi,

« Vers toi, ma Chimère farouche,
Dont j’entends le souffle adoré