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Mais pour moi ce n’est pas assez.
Ce qu’il faut à ma haine, à ma vengeance entière,
À mes blasphèmes triomphants,
{Ce n’est pas seulement ton corps fait de matière
Par les hommes encore enfants ;
C’est la chair de ta chair, c’est l’âme de ton âme,
Ton concept enfin dégrossi,
{Moins palpable que l’air, plus subtil que la flamme,
Et que je veux tuer aussi.
Par le respect des lois, l’amour de la Nature,
Le culte de notre raison.
C’est toi, c’est toujours toi qui dans notre pâture
Mets l’Absolu comme un poison.
En vain les Dieux sont morts ; le dernier agonise ;
Toi, tu demeures immortel.
En se divinisant l’homme te divinise,
Et son orgueil te sert d’autel.
Mais moi, je ne sais pas ces lâches défaillances.
Suivant ma route jusqu’au bout.
Ces cultes, ces respects, ces amours, ces croyances
Qui dans nos cœurs restent debout.
J’éteindrai leurs lueurs, suprêmes girandoles
Des vieux temples abandonnés.
Hourra ! Pour l’hallali des dernières Idoles,
Fanfares des aïeux, sonnez !
sang des Touraniens qui bous dans mes artères,
Sang des révoltés, sang des gueux,
Comme à travers les champs, à travers les mystères
On peut prendre un galop fougueux !
Taïaut ! taïaut ! Voici le troupeau des Idées
Qui fuit effaré devant nous.
Taïaut ! taïaut ! Que nos montures débridées
Aient la tête entre leurs genoux !
Hardi ! Traversons tout, le taillis, la clairière,
Sautons les rus, les chemins creux !
Plus vile, et sans jamais regarder en arrière !
Ceux qui tombent, tant pis pour eux !
Hallali ! hallali ! Quand la bête forcée
Sera morte, le ventre ouvert,
Alors enfin, ô noirs chevaux de ma pensée,
Je pourrai vous remettre au vert ;