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Ses vieux regards hallucinés
Voyaient les loins illuminés
D’où lui venait toujours la voix
Lamentable, sous les cieux froids.

La rame dernière cassa,
Que le courant chassa
Comme une paille, vers la mer.

Le passeur d’eau, les bras tombants,
S’affaissa morne, sur son banc,
Les reins rompus de vains efforts.
Un choc heurta sa barque, à la dérive.
Il regarda, derrière lui, la rive :
Il n’avait pas quitté le bord.

Les fenêtres et les cadrans,
Avec des yeux béats et grands,
Constatèrent sa ruine d’ardeur,
Mais le tenace et vieux passeur
Garda tout de même, pour Dieu sait quand,
Le roseau vert entre ses dents.

(Les Villages illusoires.)




LES CORDIERS

 
Dans son village, au pied des digues,
Qui l’entourent de leurs fatigues
De lignes et de courbes vers la mer,
Le blanc cordier visionnaire
À reculons, sur le chemin,
Combine, avec prudence, entre ses mains,
Le jeu tournant de fils lointains
Venant vers lui de l’infini.

Là-bas,
En ces heures de soir ardent et las,
Un ronflement de roue encor s’écoute.
Quelqu’un la meut qu’on ne voit pas ;
Mais parallèlement, sur des râteaux
Qui jalonnent, à points égaux,
De l’un à l’autre bout la route,