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Mais celle, hélas ! qui le hélait
Au delà des vagues, là-bas,
Toujours plus loin, par au delà des vagues,
Parmi les brumes reculait.

Les fenêtres, avec leurs yeux,
Et le cadran des tours, sur le rivage,
Le regardaient peiner et s’acharner,
En un ploiement de torse en deux
Et de muscles sauvages.

Une rame soudain cassa
Que le courant chassa,
À vagues lourdes, vers la mer.

Celle là-bas qui le hélait,
Dans les brumes et dans le vent, semblait
Tordre plus follement les bras
Vers celui qui n’approchait pas.

Le passeur d’eau, avec la rame survivante,
Se prit à travailler si fort
Que tout son corps craqua d’efforts
Et que son cœur trembla de fièvre et d’épouvante.

D’un coup brusque, le gouvernail cassa
Et le courant chassa
Ce haillon morne vers la mer.

Les fenêtres, sur le rivage,
Comme des yeux grands et fiévreux
Et les cadrans des tours, ces veuves
Droites, de mille en mille, au bord des fleuves,
Fixaient, obstinément,
Cet homme fou, en son entêtement
À prolonger son fol voyage.

Celle là-bas qui le hélait,
Dans les brumes hurlait, hurlait,
La tête effrayamment tendue
Vers l’inconnu de l’étendue.

Le passeur d’eau, comme quelqu’un d’airain,
Planté, dans la tempête blême,
Avec l’unique rame entre ses mains,
Battait les flots quand même.