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Dans l’immense univers où rien ne doit bouger,
Un père est-il caché de qui j’attends une aide ?

Quand le même soleil sur ma tête aura lui,
Demain, ah ! je serai l’homme amer d’aujourd’hui,
Prisonnier d’un cœur morne et d’un ténébreux monde.

Et cependant la mort approche, et j’en ai peur :
Son gouffre est taciturne et son ombre est profonde.
— Pourquoi trembler, 6 lâche, ô misérable cœur ?


(Les Aveux.)


LA MORT


S’il est un homme heureux et qu’ici-bas j’envie,
C’est celui-là qui vit sans penser à sa vie :
Il laisse s’effeuiller ses jours au vent du sort,
— Comme l’arbre des champs laisse le vent du nord
Éparpiller l’essaim de ses feuilles fanées, —
Sans songer que le vol rapide des années
Rend plus proche et plus proche encore la moment
De l’entier, du suprême évanouissement.
Certe ! heureux, si jamais l’énigme inexplicable
De l’univers réel ne l’étreint et l’accable ;
S’il ne voit pas avec des yeux épouvantés
Les abîmes muets des deux éternités :
— Celle qui précédait et celle qui doit suivre
Le temps si court durant lequel il se sent vivre ! —
Cet homme peut jouir de l’heure, elle est à lui,
Et demain n’est pas là qui lui gâte aujourd’hui !
Demain ! car c’est demain, tant l’existence est brève,
Qu’il faudra s’éveiller de cet étrange rêve.
Demain, les yeux tout grands ouverts se fermeront.
Demain, l’idée aura quitté ce pâle front.
Demain, ce qui fut nous s’écroulera dans l’ombre
Qui déjà s’est ouverte à des vivants sans nombre :
— Enfer ? Néant ? Effort nouveau ? Divin séjour ?
Qui sait ton mot, ô dur voyage sans retour ?…


(Les Aveux.)