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LA CHANSON DES CHRYSANTHÈMES


Les dahlias sont morts, les vignes vendangées,
Et la grive gourmande a fini ses concerts ;
Tous les fruitiers sont pleins et les fraises mangées :
Les jardins demeurent déserts.

Dans l’infini brumeux des horizons moroses
L’aurore a la tristesse et le charme du soir :
Sur les gazons flétris les pétales des roses
Ont déjà fini de pleuvoir.

Mais nous aimons ce deuil et les bises nouvelles,
Et ce ciel tout de cendre aux funèbres rayons ;
Nous ne connaissons pas les baisers infidèles
Des mouches et des papillons.

Nos tons de soufre pur, nos couleurs orangées
Parmi les bosquets morts sonnent un gai réveil,
Et nos fleurs, quelquefois, de pourpre sont frangées
Ainsi qu’un nuage au soleil.

Dans des cheveux de femme ou sur un frais corsage
Nos groupes variés éclatent rarement :
Et nous figurons peu dans les bouquets d’usage
Que choisit la main d’un amant.

Nous n’avons jamais eu l’audacieux prestige
Des froids camélias ou des lis triomphants !
Dans l’air humide et vif ondule notre tige
Loin des grands salons étouffants I

Heureuses dans la paix de nos mornes allées
Que pour les tisons d’or quittent les pieds frileux,
Nous adorons les vents aux plaintes désolées
Et les doux lointains nébuleux.

Des poètes vers nous viennent avec mystère,
Quand novembre a jauni les vignes et les prés,
Ainsi qu’on va chercher dans un coin solitaire
Des amis délicats du vulgaire ignorés.


(Nouvelles Poésies.)