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Fils d’un bâtonnier de l’ordre des avocats, M. Charles Grandmougin, né à Vesoul le 17 janvier 1850, appartient à cette pittoresque et robuste province de la Franche-Comté où sont nés tant d’artistes et de poètes. Il avait d’abord été destiné au barreau et avait déjà commencé ses études de droit, lorsque la guerre éclata ; il s’engagea volontaire dans le fameux bataillon Bourras et fit bravement la campagne ; puis il vint à Paris, à la conquête de la gloire. En trente années d’un labeur consciencieux, M. Grandmougin, artiste puissant, au talent souple et robuste, a édifié une œuvre qui ne manque, certes, ni de valeur ni de variété.

Poète coloré et divers, il a publié Siestes, qui déjà contenait de brillantes promesses ; Nouvelles Poésies, où son talent s’affirmait définitivement ; Poèmes d’amour, pleins de charme et de grâce ; Rimes de combat, Les Chansons du village, Les Heures divines, De la terre aux étoiles, Visions chrétiennes, œuvres délicieuses, où l’auteur trouve des accents émouvants et où son art atteint souvent à la perfection ; conteur charmant et pittoresque, il a écrit Histoires sentimentales, Contes d’aujourd’hui, Contes franc-comtois, Medjour, dans une langue claire, précise, d’excellent aloi ; enfin, auteur dramatique plein de verve, il a donné au théâtre Le Christ, drame superbe couronné par l’Académie française ; L’Enfant Jésus, mystère en cinq tableaux pour lequel Fr. Thomé a écrit une délicieuse musique de scène ; L’Empereur, puissante épopée qui résume l’histoire du premier Empire ; d’autres drames en vers comme Prométhée, Orphée, Caïn, Aryénis, Les Serfs du Jura, et des poèmes qui ont inspiré les maîtres de la musique comme La Vierge avec Massenet, Hulda avec Franck, Le Tasse avec Godard, Lazare avec Pugno.

« La Muse de Charles Grandmougin, écrit M. Jules Mazé, est une libre fille de la nature. Tantôt vêtue de la bure champêtre, chaussée de sabots, elle folâtre dans la rosée des matins bleus, fredonnant des chants villageois simples et naïfs ; tantôt, fièrement drapée dans le péplum antique et toujours séduisante, elle élève ses accents jusqu’au lyrisme le plus pur pour nous dire les souffrances d’Orphée ; puis, soudain, elle nous apparaît farouche, enveloppée dans le drapeau tricolore, célébrant sur les cordes d’airain de sa lyre les victoires du grand empereur, ou, dans une robe de deuil, chantant douloureusement les malheurs de la France meurtrie. Et toujours, dans toutes ses manifestations, on la reconnaît aisément, car elle n’emprunte rien à personne : elle a fabriqué elle-même sa lyre, merveilleux instrument qui vibre sous ses doigts avec, tour à tour, d’éclatantes sonorités où semble rouler la rumeur des tempêtes, et de délicieux et doux murmures pareils aux soupirs de la brise embaumée des beaux soirs d’été. »