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SEPTIME SÉVÈRE


À Paul Bourget.


C’est dans Eboracum, où le ciel froid du Nord
D’un brouillard éternel baigne les murs de brique :
Le soldat basané de la côte d’Afrique,
Sévère, est venu loin pour rencontrer la mort.

Méditant sous son front coupé de plis moroses
Le lot inespéré que le sort lui donna,
L’ambitieux époux de Julia Domna
Découvre jusqu’au fond la vanité des choses.

Lui, l’enfant de Leptis, au prix de durs travaux,
Il a pu parvenir à la grandeur unique ;
Par la force romaine ou la ruse punique
Il a pu terrasser tour à tour ses rivaux.

Il a donné pâture à ses vieilles colères,
Assuré par le sang la paix du lendemain,
Et sur les trois autels immolé de sa main
Les trois noires brebis dans les Jeux séculaires.

Et du jour qu’à cheval, en habit de combat,
Suivi des légions, il entra dans la Ville,
Tous ont rivalisé d’empressement servile,
Tous, la plèbe grondante et le louche Sénat.

O triomphe I avait-il le bras tremblant et frêle,
Lui qui put dix-huit ans les courber de terreur
Et faire ainsi revivre en un même empereur
Le robuste Commode et l’équitable Aurèle ?

C’est pour le bien de tous qu’il a semé l’effroi !
Et le cavalier Parthe a fui devant ses aigles,
Cependant qu’au Forum, armé de justes règles,
Ulpien redressait les lignes de la loi.

Mais aujourd’hui Sévère est caduc et malade.
Ce monde, par son bras étayé lentement,
Craque de toute part, ainsi qu’un monument
Trop vieux et qu’une lèpre incessante dégrade.