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d’instituteur de village, il fut nommé professeur au Lycée Michelet. Il est actuellement professeur au lycée de Vanves.

Ses travaux littéraires le signalèrent de bonne heure à l’attention des maîtres de la poésie : Victor Hugo, Leconte de Lisle, Sully Prudhomme, Joséphin Soulary, Eugène Manuel, Édouard Grenier. Voici comment Manuel relate sa première rencontre avec M. Frédéric Bataille :

« Je ne saurais oublier le jour déjà lointain où j’ai vu pour la première fois Frédéric Bataille. C’était à Belfort. L’aimable et doux poète Édouard Grenier m’avait parlé d’un obscur instituteur de campagne qui faisait des vers comme un lettré des villes. Nous n’avions pu, Bataille et moi, nous rencontrer à Paris. Il avait appris mon voyage dans l’Est, et faisait, pour me venir trouver, un trajet assez long, du village où il dirigeait une école à la ville où j’étais de passage. Celui qui a écrit :


Des fils du paysan j’ai la rude fierté


se présentait timide et embarrassé, ayant dans sa tenue, son allure rustique et son langage toute la simplicité des fonctions qu’il occupait, avec l’accent franc-comtois des gens de Mandeure, où il est né, et cette gaucherie touchante des humbles que la vie ni la fortune n’ont gâtés. Que pouvait être ce poète ? La sympathie allait à lui bien vite ; mais qui aurait soupçonné, sous de tels dehors et dans une telle condition, l’artiste expert et raffiné qu’il était dès cette époque ?

« Ce poète, ce vrai poète, qu’il fallait chercher et deviner, comment s’était-il formé ? Où avait-il puisé, je ne dis pas le don sacré, mais tout ce qui s’ajoute aux aptitudes naturelles pour devenir l’art ? Il n’avait reçu que l’instruction primaire à l’école normale du Doubs ; il dut faire, par sa volonté propre, toute son éducation littéraire. De grec, il n’en pouvait être question, tardivement, le latin fut effleuré, l’antiquité fut entrevue. Quels furent donc les maîtres de Bataille, ses initiateurs puissants, ses guides infaillibles ? Les poètes, les poètes français ; j’ajoute : les poètes contemporains. Il leur a suffi de parler ; il lui a suffi d’écouter. Ce fut une révélation directe et intime, une initiation instantanée, une prise de possession, et tout aussitôt un échange fécond, un foyer qui s’allume de flamme à flamme. Idées, sentiments, images, langue, facture et rythme, les poètes lui apprirent tout, et il comprit tout. Point de jardinage classique, de plates-bandes, de cloches, de terreau et d’arrosage ; un sol vierge, où sont apportées, au hasard, par une brise mystérieuse, les graines des plus belles fleurs, qui ont germé et poussé sans autre travail que celui d’une volonté ardente, servie par la plus rare faculté d’assimilation poétique… Bataille seul pourrait nous apprendre (si les poètes avaient toujours pleine conscience