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Entré en relation avec Ménélik, par l’intermédiaire du Ras Makonnen, dont il était devenu l’ami, il devint un des conseillera intimes du négus. Son exploration de l’Ogaden et la relation détaillée qu’il envoya à la Société de géographie sur cette région inconnue, datent de cette époque.

En 1888, Rimbaud négocia avec Félix Faure, ministre des colonies, l’autorisation de débarquer à Obock les outils nécessaires à la fabrication de cartouches pour le négus…

En correspondance constante avec sa famille, il projetait un retour en France, lorsqu’il se sentit envahi lentement par le mal qui devait l’emporter. Un accident de cheval provoqua une tumeur du genou qui l’obligea, au mois de mars 1891, à abandonner Harrar, centre de ses opérations. Transporté à Aden, puis à Marseille, il entra à l’hôpital de la Conception, où il subit l’imputation de la jambe. Il se fît conduire à Charleville, mais voulut bientôt repartir… Au moment où il allait s’embarquer à Marseille, il dut rentrer de nouveau à l’hôpital, où il mourut aptes de grandes douleurs stoïquement acceptées.

La destinée de Rimbaud comme poète a été très singulière. Après une courte apparition dans les lettres en 1871, il avait disparu. Ce n’est qu’en 1885 que Paul Verlaine révéla son nom et ses œuvres, dans les Poètes maudits, à la jeune génération, qui s’en fît un drapeau. On peut le considérer comme l’un des précurseurs des écoles « décadente » et symboliste. Quant au fameux Sonnet des Voyelles, qui attribuait une couleur aux voyelles, et commençait ainsi :

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles…,


il convient de remarquer, avec M. Gustave Kahn, que Rimbaud « pouvait fort bien être au courant des phénomènes d’audition colorée ; s’il les connaissait peut-être par sa propre expérience, il a pu contrôler, avec la science, réelle et imaginative, de son ami Charles Cros, certaines idées à lui, se clarifier certains rapprochements à lui personnels, noter un son et une couleur… » Il ne faut d’ailleurs voir dans le sonnet qu’un « amusant paradoxe détaillant une des correspondances possibles des choses », et, à ce titre, il est curieux.