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Une sorte de vieil artisan philosophe,
Pour qui la guerre était le plus affreux des maux.

Il avait sur la foule un assez grand empire.
Peut-être en d’autres temps l’eût-on moins écouté ;
Mais il est des instants mauvais où l’homme est pire,
Où l’âme d’un grand peuple est lasse de fierté.

« Maître, dit-il, l’idée est tout dans notre idole.
Elle ne peut avoir deux sens ni deux aspects.
Il faut que l’attitude affirme le symbole,
Dis-nous comment tu veux représenter la Paix.

— Ah ! dit Phidias, la Paix et sublime et féconde !
Bien fou qui, la tenant, ose la hasarder !

Mais plus fou qui s’y fie, et le plus fou du monde
Qui, sans veiller sur elle, espère la garder !

« Aussi, moi, j’en ferais une sœur de Minerve,
Etincelante, armée, au front majestueux ;
Ses regards fixeraient l’horizon, qu’elle observe ;
Deux ailes d’or pourraient l’emporter dans les cieux. »

L’homme dit : « Périclès eût choisi ton symbole.
— C’est donc, reprit Phidias, qu’il est digne de lui. —
— Une Paix casque au front ! Une paix qui s’envole !..
Prête à combattre alors ? — Prête à combattre, oui.

— Soit donc ! Mais cette Paix pense trop à la guerre ;
Elle s’entendrait mal aux soins de nos troupeaux.
Celle que nous voulons est d’aspect plus vulgaire,
Assise, et par son or achetant son repos. »

En l’entendant, Phidias fut profondément triste ;
Car dans ce cœur épris du Beau comme du Bien,
Le citoyen souffrait tout autant que l’artiste,
Et voici ce que fut le cri du citoyen :

« O peuple au cœur changeant, gardez-vous de l’en’croire,
N’écoutez pas cet homme, ô peuple au cœur léger !
Son immuable paix n’est qu’un rêve illusoire ;
Sommes-nous sans voisins pour être sans danger ? »

Et comme on l’accueillait d’un murmure de blâme :
« C’est donc vraiment pour tous que cet homme parla ?