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Et, comme pour cacher les horizons moroses,
Au loin l’Hymette en fleurs dressait son gai sommet.

Le sanctuaire était plus radieux encore ;
Jamais divinité n’eut plus divin séjour,
Et, lumineux berceau d’une éternelle aurore,
Douze lampes d’albâtre y brûlaient nuit et jour.

Mais, voici qu’au milieu même du sanctuaire,
Une image trônait, lourde, aux membres épais,
Œuvre infime de quelque infime statuaire,
Et cette image était l’image de la Paix.

Levant sans majesté son front sans hardiesse,
Tendant, d’un geste bas, ses deux mains pleines d’or,
L’idole n’avait rien, hélas ! d’une déesse !
Et cependant le grand Phidias vivait encor.

Phidias vivait encor, qui du marbre rebelle
Miraculeux dompteur et vainqueur merveilleux,
Avait fait Zeus si noble et Minerve si belle,
Qu’on disait que Phidias divinisait les dieux.

Alors pourquoi ce bloc informe dans ce temple ?
Quand la beauté pouvait resplendir sur l’autel,
Pourquoi ce spectre vain que la foule y contemple ?
D’où vient, chez un tel peuple, un aveuglement tel ?

Est-ce donc qu’oubliant ce sublime génie,
Comme un autre Aristide admiré trop longtemps,
Lasse de l’applaudir, Athènes le renie ?
Ou si l’ardent Phidias est vieux à soixante ans ?

Pourtant, quand l’architecte eut dressé son portique
Et que, pour y placer une divinité,
Athène eut convoqué les sculpteurs de l’Attique,
C’était d’abord Phidias qui s’était présenté.

Et l’assemblée avait eu lieu dans cette enceinte,
Où pour la République Athène allait aux voix ;
Car ce peuple, pour qui l’art était chose sainte,
Délibérait du Beau comme il eût fait des lois.

Le premier qui parla fut un tisseur d’étoffe,
Et qui tissait aussi l’idée avec les mots,