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Et le prestige ancien des races souveraines
Comme un soleil mourant dans l’ombre s’est plongé ;

Mais vous croissez… L’effroi des nombreuses lignées
N’arrête point l’essor de vos mâles amours ;
Pour de nouveaux enfants vos femmes résignées
Voient s’arrondir sans peur leurs robustes contours.

L’avenir est à vous !… Nos écoles sont pleines
De fils de vignerons et de fils de fermiers ;
Trempés dans l’air des bois et les eaux des fontaines,
Ils sont partout en nombre et partout les premiers.

Salut ! Vous arrivez, nous partons. Vos fenêtres
S’ouvrent sur le plein jour, les nôtres sur la nuit…
Ne nous imitez pas ; quand vous serez nos maîtres,
Demeurez dans vos champs où le grand soleil luit…

Ne reniez jamais vos humbles origines,
Soyez comme le chêne au tronc noueux et dur :
Dans la terre enfoncez vaillamment vos racines,
Tandis que vos rameaux verdissent dans l’azur.

Car la terre qui fait mûrir les moissons blondes
Et dans les pampres verts monter l’âme du vin,
La terre est la nourrice aux mamelles fécondes ;
Celui-là seul est fort qui boit son lait divin.

Pour avoir dédaigné ses rudes embrassades,
Nous n’avons plus aux mains qu’un lambeau de pouvoir,
Et, pareils désormais à des enfants malades,
Ayant peur d’obéir et n’osant plus vouloir,

Nous attendons, tremblants et la mine effarée,
L’heure où vous tous, bouviers, laboureurs, vignerons,
Vous épandrez partout comme un ras de marée
Vos flots victorieux où nous disparaîtrons.


(Le Livre de la payse.)


PROMENADE SUR L’EAU


Les saules frissonnent. La lune
Argente la rivière brune
Du reflet de ses bleus regards ;