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s’intituler Les Fleurs de feu, et déjà même le sonnet liminaire en était composé. Il fut publié dans le premier volume du Parnasse[1]. »


« Heredia se fit remarquer par l’éclatante plénitude de son Style. Nul ne poussa aussi loin que lui le souci de la perfection plastique. Son œuvre se compose d’un certain nombre de morceaux épiques tels que les Conquérants de l’or, de tierces rimes et de sonnets d’une originalité puissante. On peut dire que José-Maria de Heredia a transformé ce petit poème à forme fixe et qu’il en a fait un usage nouveau. Tour à tour descriptif, mythologique, héroïque, il sait composer en quatorze vers des tableaux achevés, d’un merveilleux éclat. M. Jules Lemaitre a pu dire très justement : « Chacun de ses sonnets suppose une longue préparation, et que le poète a vécu des mois dans le pays, dans le temps, dans le milieu particulier que ces deux quatrains et ces deux tercets ressuscitent. Chacun d’eux résume à la fois beaucoup de science et beaucoup de rêve. Tel sonnet

  1. Voici ce sonnet : FLEURS DE FEU

    Bien des siècles, depuis les siècles du Chaos,
    La flamme, par torrents, coula de ce cratère,
    Et ce pic, ébranlé d’un éternel tonnerre,
    A flamboyé plus haut que les Chimborazos.
    Tont s’est éteint. La nuit n’a plus rien qui l’éclairé.
    Aucun grondement sourd n’éveille les échos.
    Le sol est immobile, et le sang de la Terre,
    La lave, en se Ûgéant, lui laissa le repos.
    Pourtant, dernier effort de l’antique incendie,
    On voit, dans cette lave à peine refroidie,
    Eclatant à travers les rocs pulvérisés.
    Au milieu du feuillage, aigu comme une lance,
    Sur la tige de fer qui d’un seul jet s’élance,
    S’épanouir la fleur des cactus embrasés.

    Le poète a publié ce sonnet dans les Trophées avec de profondes modifications :

    Bien des siècles, depuis les siècles du Chaos,
    La flamme par torrents jaillit de ce eratOre,
    Et le panache igné du volcan solitaire
    Flambe plus haut encor que les Chimborazos.
    Nul brait n’éveille plus la cime sans échos.
    Où la cendre pleuvait, l’oiseau se désaltère ;
    Le sol est immobile, et le sang de la Terre,
    La lave, en se figeant, lui laissa le repos.
    Pourtant, suprême effort de l’antique incendie,
    À l’orbe de la gueule a jamais refroidie,
    Eclatant a travers les rocs pulvérisés,
    Comme un coup de tonnerre au milieu du silence,
    Dans le poudrolment d’or du pollen qu’elle lance,
    S’épanouit la fleur des cactus embrasés.