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Qui, groupés sous l’abri de vos branches compactes,
Mêlaient leurs chants de guerre au bruit des cataractes ?

Sous le ciel étoilé, quand les vents assidus
Balancent dans la nuit vos longs bras éperdus,
Songez-vous à ces temps glorieux où nos pères
Domptaient la barbarie au fond de ses repaires ?
Quand, épris d’un seul but, le cœur plein d’un seul vœu,
Ils passaient sous votre ombre, en criant : « Dieu le veut ! »
Défrichaient la forêt, créaient des métropoles,
Et, le soir, réunis sous vos vastes coupoles,
Toujours préoccupés de mille ardents travaux,
Soufflaient dans leurs clairons l’esprit des jours nouveaux ?

Oui, sans doute ; témoins vivaces d’un autre âge,
Vous avez survécu tout seuls au grand naufrage
Où les hommes se sont l’un sur l’autre engloutis ;
Et, sans souci du temps qui brise les petits,
Votre ramure, aux coups des siècles échappée,
A tous les vents du ciel chante notre épopée !


OCTOBRE


Les feuilles des bois sont rouges et jaunes,
La forêt commence à se dégarnir ;
L’on se dit déjà : l’hiver va venir,
Le morose hiver de nos froides zones.

Sous le vent du nord tout va se ternir…
Il ne reste plus de vert que les aulnes,
Et que les sapins dont les sombres cônes
Sous les blancs frimas semblent rajeunir.

Plus de chants joyeux, plus de fleurs nouvelles
Aux champs moissonnés les lourdes javelles
Font sous leur fardeau crier les essieux.

Un brouillard dormant couvre les savanes ;
Les oiseaux s’en vont, et leurs caravanes
Avec des cris sourds passent dans les cieux

(Oiseaux de neige.)