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M.  Louis-Xavier de Ricard, fils du général marquis de Ricard, Dé à Fontenay-sous-Bois en 1843, est l’un des fondateurs du Parnasse. Il débuta à vingt ans par un volume de vers, Les Chants de l’aube, et créa bientôt après la Revue du Progrès. En cette année 1863, la lutte venait de s’engager violemment entre l’Église et la libre pensée. Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, avait publié sa brochure : Avertissement aux pères de famille, dans laquelle il dénonçait le péril que faisait courir à la religion et à la société l’indulgence de l’Empire à l’égard des doctrines des Renan, des Taine, des Littré, etc. M.  Xavier de Ricard et ses amis cherchaient une arme de combat. Nous fondâmes, dit-il dans ses Petits Mémoires d’un Parnassien, au quartier latin, une revue mensuelle, la Revue du Progrès. Nous nous lançâmes dans la bataille, non point certes modérément… Je n’avais pas d’illusion sur les conséquences de notre publication, et partant elles m’étaient indifférentes… » Quelques articles de M. de Ricard, publiés dans cette revue, lui valurent, en effet, une condamnation à trois mois de prison, malgré les plaidoiries de Mr Clément Laurier et de Gambetta.

Quelques-uns des rédacteurs de la Revue du Progrès ayant plus tard efficacement collaboré à la fondation du Parnasse, il convient de nous y arrêter un instant :

On ne saurait établir par trop de preuves que le Parnasse ne fut pas l’œuvre d’un seul groupe, mais une sorte de rendez-vous où se trouvèrent appelés, autour d’un même, idéal d’art, des jeunes gens qui, en dehors de cette communion, avaient les conceptions les plus différentes de la vie et des choses. Ainsi Catulle Mendès resta étranger à la politique jusqu’au jour où il devint le Claude Frollo du Petit Parisien, et Paul Verlaine — pour ne citer que les deux plus dissemblables parmi les Parnassiens — ne serait pas le grand poète étrange, complexe et primesautier qu’il fut, si, entre tant de crises par où il passa, il n’eût eu sa crise républicaine et même communarde.

« Nous étions, comme de juste, à la Revue du Progrès, deux fractions : celle des positivistes et des scientifiques, et celle des littérateurs et des artistes, d’ailleurs, sauf une ou deux exceptions, très étroitement resserrées de sympathies dans la communauté du but et de l’effort.

« Ce fut la Revue du Progrès qui publia les premiers vers de Paul Verlaine. Il était alors en sa grande ferveur catholique et espagnole, et avait élu le pseudonyme de Pablo, à cause de la couleur locale sans doute, mais aussi, étant employé à l’hôtel de ville, par une prudence très légitime, pour ne pas compromettre son nom parmi les nôtres, dévolus de toute certitude à l’imminente correctionnelle. »

On ne se voyait pas et on ne discutait pas seulement à la Revue, mais déjà, le soir, chez les parents de M. Xavier de Ricard,