Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t1.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siècle… Son premier drame lui avait coûté au juste quatre jours. Engagé à dix-sept ans dans une troupe de comédiens qui passaient par Pont-Audemer, il se mettait à courir la province avec eux, composait dans une cour d’hôtel de Falaise un nouveau drame en vers sur Guillaume le Conquérant, visitait Nevers, Epinal, Belfort, Paris, Bruxelles, et rencontrait enfin, à Alençon, Poulet-Malassis, qui lui faisait connaître les Odes funambulesques de Théodore de Banville. Ce fut une révélation. Quelques mois plus tard, il publiait Les Vignes folles (1857), où l’influence de ce maître est particulièrement sensible.

Il n’avait cependant pas renoncé à sa vie errante et courait seul ou avec sa troupe les principales villes de province : Nancy, où il écrivait, pour l’ouverture du théâtre, un prologue en un acte, en vers, L’Ombre de Callot (1863) ; Vichy, où il donnait au Casino Vers les saules, comédie en un acte, en vers (1864) ; Bayonne, qui lui inspirait successivement un grand drame en trois actes, Pès de Puyanne, et une saynète délicate, Le Bois (1868) ; entre temps, il faisait de courtes apparitions dans la capitale et s’y liait avec M. Catulle Mendès, qui venait de fonder la Revue fantaisiste. En 1864, il avait publié un nouveau recueil de vers, Les Flèches d’or, d’un lyrisme souvent heureux et sincère et d’une langue plus châtiée.

Il revenait ensuite au théâtre avec un Prologue pour l’ouverture des Délassements comiques (1867), Le Compliment à Molière (1872), Le Singe (1872), L’Illustre Brisacier (1873). Un troisième et dernier recueil de vers, Gilles et Pasquins, paraissait de lui en 1872. Ce recueil, joint aux précédents, devait servir à former l’édition complète de ses poésies. L’année suivante, Glatigny était emporté par une maladie de poitrine dont il avait peut-être contracté le germe en Corse, où un gendarme, qui le prenait pour l’assassin Jud, l’avait stupidement enfermé pendant plusieurs jours dans une manière de cave servant de salle de police aux indigènes de Bocognano. Le poète s’était marié en 1871 à Melle Emma Dennie, et quand son mal ne laissait plus aucun espoir, sa jeune femme le soigna avec un dévouement admirable et lui survécut à peine. » (Charles Le Goffic.)

Ainsi Albert Glatigny, « une des plus étranges figures littéraires qu’ait peut-être vues notre âge », sut en un moment, comme d’instinct et par révélation, — après avoir dévoré et relu le livre par lequel il avait eu la révélation du vrai langage qu’il était destiné à parler, — « ce métier laborieux, compliqué et difficile de la poésie, si divers et si inépuisable, qu’on met toute sa vie à l’apprendre ». « Ce qui constitue l’originalité curieuse et sans égale d’Albert Glatigny, c’est qu’il est non pas un poète de seconde main et en grande partie artificiel, comme ceux que produisent les civilisations très parfaites, mais, si ce mot peut rendre ma pensée, un poète primitif, pareil à ceux des âges