Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t1.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en France après une absence de dix mois (mai 1841-février 1842). En 1843, il atteignit sa majorité et toucha le capital qui lui revenait sur l’héritage paternel (environ 75, 000 francs). Libre de suivre ses goûts, il vint habiter l’île de Saint-Louis, lia des relations amicales avec d’autres jeunes poètes ou artistes, Théodore de Banville, Gustave Levasscur, Jules Buisson, Emile Deroy, etc., et débuta par un Salon de 1845 ( 1845). En même temps il donnait quelques fantaisies en vers et en prose au Corsaire et quelques poésies à l’Artiste.

L’année suivante, il publia un second Salon. Il y affirmait hautement, comme dans le premier, son admiration pour Eugène Delacroix, rendait un juste hommage aux supériorités d’Ingres, — les deux chefs d’école n’étaient guère alors moins contestés l’un que l’autre, — et définissait d’un mot ou d’une épi thé te caractéristique les artistes dont il analysait les œuvres. Le temps s’est chargé de confirmer presque tous les jugements, alors singulièrement audacieux et personnels, qu’il a formules, et, n’eût-il écrit que ces pages, Baudelaire mériterait une place à part dans la critique contemporaine. Il avait songé d’ailleurs à se consacrer spécialement à ces études, car sur la couverture du Salon de 1846 étaient annoncés comme en préparation deux volumes intitulés De la Peinture moderne et David, Guérin et Girodet. Ni l’un ni l’autre n’ont paru, non plus que le Catéchisme de la femme aimée. Dans la même liste figuraient aussi Les Lesbiennes, appelées ailleurs Les Limbes, et qui sont devenues Les Fleurs du mal. Vers la même époque, Baudelaire publiait deux nouvelles en prose, Le Jeune Enchanteur et La Fanfarlo. La seconde était signée Charles Defagis, nom qu’il a quelquefois ajouté au sien propre, qu’il a pris comme pseudonyme, et qui était l’un des deux noms patronymiques de sa mère.

Malgré ses tendances catholiques et ses goûts aristocratiques, il accueillit avec joie la révolution de 1848, se montra en armes sur les barricades, fonda avec Champfleury et Toubin une feuille éphémère, Le Salut public, et fut un moment lié avec Proudhon. C’est à cette époque qu’il faut rapporter son court séjour à Chàteauroux pour diriger un journal conservateur dont les propriétaires ne tardèrent pas à le remercier. Cependant une curiosité nouvelle était née dans l’esprit de Baudelaire. Très frappé de quelques-uns des contes d’Edgard Poe, il avait pressenti un « semblable » sous les traductions informes qui les avaient révélés à la France, et il entreprit de le faire mieux connaître par une nouvelle traduction. » (MAURICE TOURNEUX.) Les contes traduits par Baudelaire, et qui obtinrent un vif succès, parurent d’abord en feuilleton dans le Pays et dans diverses revues. Réunis en 1875, ils formèrent cinq volumes : Histoires extraordinaires, Nouvelles Histoires extraordinaires, Aventures d’Arthur Gordon Pym, Eurcka, Histoires grotesques et sérieuses.