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Quand, pressant sur ce cœur qui va bientôt s’éteindre
Un autre objet souffrant, forme vaine ici-bas,
Il vous semble, mortels, que vous allez étreindre
L’Infini dans vos bras :

Ces délires sacrés, ces désirs sans mesure
Déchaînés dans vos flancs comme d’ardents essaims,
Ces transports, c’est déjà l’Humanité future
Qui s’agite en vos seins.

Elle se dissoudra, cette argile légère
Qu’ont émue un instant la joie et la douleur ;
Les vents vont disperser cette noble poussière
Qui fut jadis un cœur.

Mais d’autres cœurs naitront qui renoueront la trame
De vos espoirs brisés, de vos amours éteints,
Perpétuant vos pleurs, vos rêves, votre flamme,
Dans les âges lointains.

Tous les êtres, formant une chaîne éternelle,
Se passent, en courant, le flambeau de l’Amour.
Chacun rapidement prend la torche immortelle,
Et la rend a son tour.

Aveuglés par l’éclat de sa lumière errante,
Vous jurez, dans la nuit où le sort vous plongea,
De la tenir toujours : à votre main mourante
Elle échappe déjà.

Du moins vous aurez vu luire un éclair sublime ;
Il aura sillonné votre vie un moment ;
En tombant vous pourrez emporter dans l’abîme
Votre éblouissement.

Et quand il régnerait au fond du ciel paisible
Un être sans pitié qui contemplât souffrir,
Si son œil éternel considère, impassible,
Le naître et le mourir,

Sur le bord de la tombe, et sous ce regard même,
Qu’un mouvement d’amour soit encor votre adieu !
Oui ! faites voir combien l’homme est grand lorsqu’il aime,
Et pardonnez à Dieu.