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efforts ne furent pas couronnés de succès, et le Club l’abandonna à Dinan sans argent.

Il revint à Paris, très désillusionné sur le compte du peuple, mais toujours aussi passionné pour son idéal artistique. Il n’abandonnait d’ailleurs aucune de ses convictions. L’Assemblée ayant décrétô l’abolition de l’esclavage dans les colonies, il prit l’initiative d’une lettre envoyée par les créoles aux représentants du peuple pour les féliciter de cette mesure, qui était la ruine pour lui. Son frère, qui administrait la fortune et les plantations paternelles à Pile de Bourbon, fut si irrité qu’il se brouilla avec lui. À partir de ce jour, le poète cessa de recevoir la petite pension que lui faisait sa famille et dut se débattre contre la misère. Cependant la République trahissait toutes ses espérances, et, sans renoncer à ses convictions, Leconte de Lisle abandonnait la société des hommes politiques pour se consacrer tout à la poésie et à la littérature.

C’est en 1852 que parut son premier volume de vers, les Poèmes antiques, chez l’éditeur Marc Ducloux. Avec un sens profondément juste de l’antique, dans une forme impeccable, le poète tentait de retremper au contact de la Grèce la poésie française qu’il jugeait abâtardie ; le livre était précédé d’une préface, véritable manifeste littéraire très curieux à relire. Selon lui, Homère, Eschyle et Sophocle représentent la poésie dans sa vitalité. Depuis eux, la décadence et la barbarie ont envahi l’esprit humain. Le poète répudiait l’esthétique moderue et voulait revenir sur le mouvement classique et romantique pour restituer aux poètes la direction de l’âme humaine. La préface fut vivement critiquée, mais gagna à Leconte de Lisle des fidèles dont l’admiration devait devenir contagieuse. Victor Hugo lui-même en fut frappé et le dit au poète, qu’il s’attacha ainsi par une amitié inaltérable. En 1854 parurent les Poèmes et Poésies ; en 1859, Le Chemin de la croix ; et en 1862, les Poèmes barbares. La même année, Leconte de Lisle commença une série de traductions qui le firent vivement discuter et contribuèrent par là à sa notoriété plus même que ses vors. La traduction des Idylles de Théocrite parut dès 1861, ainsi que celle des Odes anacréontiques. Celle de l’Iliade fut publiée en 1866 ; elle se poursuivit en 1867 par l’Odyssée. En 1869 suivirent Hésiode et les Hymnes orphiques ; en 1872, les Œuvres complètes d’Eschyle ; en 1873, Horace ; en 1877, Sophocle ; enfin, en 1885, Euripide. L’auteur traduisit littéralement le texte grec pour en rendre le plus exactement possible la couleur ; mais son système de reproduction littérale des noms propres, tels que Agamemnôn, Akhilleus, Orestès, Klytaimnestra, fut jugé excessif et fit très injustement contester la valeur et la forte originalité des traductions. » (Ph. Berthelot.)

Tout ce travail, pas plus que ses vers, n’avait enrichi le