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lente de ces chevaliers dans la vie matérielle, et l’aspect idéalisé, ultra tendre sous lequel on les représentait. La vie réelle, sortie de mœurs populaires nobles et nullement dénuées de charme, devint sale et vicieuse, précisément parce qu’elle ne pouvait nourrir de son essence même, de la joie d’être et de se manifester au dehors, l’instinct artistique, mais devait s’en rapporter pour toute activité psychique au christianisme, qui de prime abord rejetait, en la représentant comme damnable, toute joie de vivre. La poésie chevaleresque fut l’hypocrisie honnête du fanatisme, le délire de l’héroïsme : elle substitua la convention à la nature.

Du jour où le feu religieux de l’Église fut éteint, où l’Église ouvertement ne se manifesta plus que comme despotisme temporel directement sensible, en relation avec l’absolutisme temporel du souverain, absolutisme sanctifié par elle et non moins directement sensible, devait se développer ce que l’on appelle la Renaissance des arts. Les choses dont on s’était si longtemps tourmenté le cerveau, on voulait les voir enfin réellement devant soi, comme on voyait l’Église elle-même rayonnante de splendeurs mondaines ; et l’on ne pouvait y arriver autrement qu’en ouvrant les yeux et en rendant ainsi leurs droits aux sens. Or se représenter les choses de la religion, les créations extatiques de la fantaisie sous une forme sensible