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à la grande Nécessité, dont l’auteur tragique lui proclamait les sentences sur la scène par la bouche de ses dieux et de ses héros. Car dans la tragédie il se retrouvait lui-même, il retrouvait la partie la plus noble de son être, unie aux parties les plus nobles de l’âme collective de la nation entière ; de lui-même, des profondeurs de sa nature dont il prenait conscience, il interprétait par l’œuvre d’art tragique l’oracle de la Pythie, — il était dieu et prêtre à la fois, splendide homme divin, lui dans la communauté, la communauté en lui, semblable à l’une de ces mille fibres, qui dans une seule plante vivante surgissent du sol, s’élèvent dans les airs d’un mouvement élancé, pour porter une seule fleur superbe qui jette à l’éternité son enivrant parfum. Cette fleur était l’œuvre d’art, ce parfum l’esprit grec, qui aujourd’hui encore nous grise et nous transporte au point de nous faire reconnaître que nous aimerions mieux être pendant une demi-journée grec en face de l’œuvre d’art tragique, que dans l’éternité dieu et non grec.