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et se maintint ; le succès du « Vaisseau fantôme » représenté au commencement de 1843, fut moindre et dura peu. La signification de la différence dans l’accueil fait par le public à ces deux œuvres n’échappa point à Wagner : il savait trop bien laquelle des deux était vraiment sienne, laquelle avait surgi des profondeurs mêmes de sa nature intime. « Rienzi » était le fruit d’une époque où la puissance d’effet du théâtre moderne l’avait attiré, où, séduit par la richesse des moyens, il avait oublié le véritable but artistique. « Rienzi » était encore un opéra : le public y retrouvait les caractères principaux du « genre » auquel il était accoutumé. Wagner n’y manifestait son originalité que dans le cadre des formes admises : il ne rompait point avec les règles consacrées par l’usage, comme il le faisait dans le « Vaisseau fantôme » afin d’aboutir à une expression plus adéquate à sa conception artistique. Le public tolérait bien une certaine liberté d’allure, mais il était incapable de comprendre — et par suite ne pouvait admettre — la logique intérieure de ce revolutionnaire qui cherchait avant tout à être d’accord avec lui même. Heureusement, Wagner avait une personnalité trop puissante, une trop sûre intuition de sa natiure pour se laisser longtemps détourner de sa véritable voie : avec le « Vaisseau fantôme » il avait fait un premier pas