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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

grandiose, est empreinte d’aisance et de noblesse tout à la fois ! On pourrait regretter, pour ainsi dire, ce pas de géant excessif du génie musical, qui, tout en créant l’opéra allemand, en posa aussi les dernières limites et improvisa le chef-d’œuvre du genre avec une perfection qui ne devait plus être dépassée, qui pouvait à peine être égalée. L’opéra allemand est aujourd’hui en vigueur, il est vrai, mais il dégénère et recule, hélas ! vers sa décadence non moins rapidement qu’il avait atteint son apogée avec le chef-d’œuvre de Mozart.

Winter et Weigl doivent être regardés comme les imitateurs les plus directs de ce grand maître. Tous les deux ont été surtout fidèles à cette direction populaire qu’il avait imprimée à l’opéra allemand, et le second, dans sa Famille suisse, ainsi que le premier dans le Sacrifice interrompu, ont prouvé quel prix attachaient à leur noble tâche de vrais musiciens allemands. Mais ce mérite principal s’amoindrit et disparut peu à peu chez leurs successeurs, preuve sensible du peu d’avenir réservé à l’opéra allemand en général. Ses rythmes et ses mélismes populaires dégénérèrent, entre les mains de ces froids imitateurs, en lieux communs vulgaires et insignifiants ; et leur manque de goût dans le choix de leurs sujets dramatiques démontra mieux encore leur peu d’aptitude à soutenir la gloire du genre national.