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DE LA MUSIQUE ALLEMANDE

J’ai dit, dans l’article précédent, d’où venait la préférence que les Allemands donnent au genre instrumental sur la musique vocale ; cela n’empêche pas que celle-ci n’ait reçu aussi ses développements, et, de même que l’autre, un caractère spécial que lui ont imprimé l’organisation naturelle de ce peuple et ses penchants intellectuels. Mais jamais pourtant, même dans le genre dramatique, le plus susceptible de perfection, elle n’a atteint le même degré d’élévation et d’éclat qui fait la gloire de sa rivale. C’est dans le genre sacré surtout que la musique vocale a fait ses preuves en Allemagne, et dans les églises protestantes, car le culte catholique est l’exception. L’opéra était devenu la proie du genre italien. Quant à la prédominance du protestantisme, elle s’explique encore par cette simplicité native des mœurs allemandes qui devaient bien moins sympathiser avec les cérémonies pompeuses de la liturgie catholique, qu’avec les modestes pratiques de la religion réformée. Les usages et l’apparat du culte catholique ont été importés en Allemagne parla vanité de quelques princes ou grands seigneurs, et là, les compositeurs allemands n’ont fait que reproduire plus ou moins les modèles du style italien. Mais au lieu de cette magnificence d’emprunt, le vieux choral accompagné par l’orgue et chanté par toute la communauté suffisait aux vieilles églises protestantes. Ces chants, dont l’imposante dignité et la pureté naïve s’alliaient