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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

passion. L’allure rapide et énergique du finale, l’art avec lequel les sentiments les plus divers viennent se confondre dans le motif principal, constatent de nouveau la supériorité avec laquelle Halévy traite les morceaux d’ensemble.

Que dirai-je enfin du cinquième acte, dans lequel le poète ainsi que le musicien semblent s’être concertés pour atteindre aux effets les plus merveilleux de leur art ? On ne saurait trouver un tableau plus touchant, plus noblement pathétique. L’air chanté par Catarina près du lit de mort du roi, les accents qu’il adresse à son épouse découlent des sources les plus intimes du cœur humain ; nulle parole ne saurait peindre ce qu’il y a là de douleur vraie et déchirante. Le duo entre Gérard et Catarina commence par une excellente introduction, et se soutient à la même hauteur jusqu’à la fin. Le motif principal : Malgré la foi suprême, a beaucoup de vérité et d’expression ; la gradation de ce motif est fortement accentuée, et produira toujours le plus grand effet.

Toutefois, le morceau le plus sublime de la partition c’est le quatuor : En cet instant suprême. Ici, plus que partout ailleurs, le talent d’Halévy se montre dans toute son individualité ; le grandiose s’allie au terrible, et une mélancolie tout élégiaque répand comme un crêpe funèbre sur cette scène solennelle, disposée d’ailleurs avec cette clarté, cette simplicité, qui sont propres aux grands maîtres.