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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

gère son instinct et son discernement personnel. Mais c’est un reproche qui ne s’adresse qu’à la masse de nos compatriotes ; car il arrive au contraire que, révoltés de cette condescendance générale, nos artistes de profession prennent le contre-pied trop direct de l’opinion vulgaire, et, par un excès de patriotisme condamnable, méritent d’être taxés par les étrangers de partialité et d’injustice. C’est tout le contraire en France. La masse du public y est parfaitement contente des productions nationales, et n’a pas la moindre velléité de perfectionner son goût en s’initiant à un autre style ; mais la classe distinguée est d’autant plus portée à faire un accueil bénévole aux musiciens étrangers, et à payer à toute production remarquable un juste tribut d’admiration.

Une preuve incontestable de notre assertion est dans le succès brillant obtenu par les exécutions de nos œuvres instrumentales ; mais il n’en faut pourtant pas conclure que les Français aient une intelligence parfaite de la musique allemande. Rien n’est moins avéré encore. Certes il serait déraisonnable de prétendre que l’enthousiasme excité par les symphonies de Beethoven, exécutées au Conservatoire de Paris, n’est qu’un enthousiasme affecté ; mais il suffit néanmoins d’écouter les réflexions, les observations suggérées à la plupart des nouveaux auditeurs de ces chefs-d’œuvre pour se convaincre que le génie de la musique allemande est bien loin d’être apprécié par eux