Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
HALÉVY ET LA « REINE DE CHYPRE »

heur. L’aspect de la mer, la richesse méridionale du paysage, tout contribue à rehausser l’éclat de la fête. C’est dans ce sens, ce me semble, que l’on doit expliquer le chant des matelots quand le vaisseau aborde au rivage. Mais c’est surtout la prière : Divine Providence qui achève de donner au tableau un caractère individuel. Cette prière est un morceau d’un mérite inappréciable : dès les premières mesures chantées par le ténor, on se rappelle involontairement ces processions pieuses que l’on voit parfois s’avancer dans la campagne avec croix et bannière. La sérénité, qui s’allie dans ce morceau à la ferveur religieuse, forme un contraste frappant avec les sombres mélodies chantées par les moines et les prélats dans la procession du concile de Constance.

L’air de Gérard qui vient après les cérémonies est d’un puissant effet : chaque mesure est empreinte d’une expression dramatique et qui émeut profondément ; les divers sentiments qui viennent successivement agiter son cœur sont parfaitement rendus ; un souffle mélodique continu règne dans tout ce morceau. Un des motifs les plus heureux est celui du dernier allégro : Sur le bord de l’abîme ; il était facile de manquer la couleur mélodique de ce passage, à cause de l’émotion extrême qui s’y révèle. Le compositeur est d’autant plus digne d’admiration, pour avoir mis le chant en harmonie avec la vérité de la