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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

magnifique mélodie de la dernière partie de ce duo. La disposition et l’intention de ce thème seul suffiraient pour constater ce que j’ai dit plus haut, au sujet de la mélodie dramatique, telle que la comprend Halévy. Avec cette gracieuse tendresse, et quoiqu’elle soit parfaitement claire et qu’elle se comprenne à l’instant, cette mélodie est exempte, de toute manière, de toutes ces coupes arrêtées auxquelles ceux de nos auteurs contemporains, qui visent à la popularité quand même, ont coutume d’assujettir ces sortes de motifs ; elle est disposée de manière à ce que l’on ne puisse lui assigner aucune origine, ni française, ni italienne, ni autre ; elle est indépendante, libre ; elle est dramatique dans toute l’acception du terme.

Cette gracieuse scène d’amour qui éveille des sentiments si doux, est en quelque sorte consacrée par le trio suivant entre les précédents et le père de Catarina. On dirait que tous deux, poète et compositeur, ont voulu nous faire oublier que nous sommes à Venise, en nous peignant sous des couleurs ravissantes un bonheur qui ne devait pas se rencontrer souvent dans les palais de cette dure et orgueilleuse aristocratie vénitienne. La prière : Ô vous, divine Providence ! est une hymne de reconnaissance qui monte vers le ciel du coeur de mortels heureux. L’apparition de Mocénigo nous révèle l’intention du poète : il ne pouvait produire un plus puissant effet qu’en fai-