Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
HALÉVY ET LA « REINE DE CHYPRE »

plupart d’entre eux se laissent aller à la manière, qui est cause qu’ils n’ont point subi l’influence de la brillante énergie avec laquelle Halévy vient de pousser le style du grand-opéra français dans une route nouvelle.

C’est là un phénomène d’une importance affligeante, et je crois devoir en rechercher les causes et m’expliquer à cet égard avec une entière liberté ; cela est d’autant plus nécessaire que je ne me souviens pas que jusqu’à présent on ait accordé à cette circonstance l’attention qu’elle mérite. On ne saurait nier que, depuis l’époque où le talent d’Auber fleurit dans tout son éclat, la musique française, à laquelle il a imprimé un nouvel essor avec autant de puissance que de bonheur, ne se soit corrompue et ne soit déchue de jour en jour. Pour arriver tout de suite au dernier degré de décadence et de dégénérescence, il suffira de signaler les misérables productions qui composent, conjointement avec les chefs-d’œuvre du génie français, le répertoire de l’Opéra-Comique. On a peine à concevoir qu’une telle constitution naturelle, où même les plus jeunes d’entre nous ont eu l’occasion de saluer le joyeux avènement d’œuvres de premier ordre, paraisse être condamnée à produire au grand jour, de mois en mois, de piteuses rapsodies (à part quelques exceptions peu nombreuses) que le goût le plus énervé ne saurait trouver supportables. Comme ce qui les caractérise, c’est surtout la