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HALÉVY
ET LA REINE DE CHYPRE




Pour faire un bon opéra, il ne faut pas seulement un bon poète et un bon compositeur, il faut encore qu’il y ait accord sympathique entre le talent de l’un et de l’autre. Si tous les deux étaient également enthousiasmés pour la même idée, cela n’en vaudrait que mieux ; mais pour avoir une œuvre parfaite, il faudrait que cette idée vînt en même temps au musicien et à l’écrivain. Ceci est un cas presque inouï, nous le savons : toutefois il ne serait pas impossible que notre hypothèse se réalisât. Qu’on se figure, par exemple, que le poète et le compositeur sont amis d’enfance ; qu’ils se trouvent à cette époque de la vie où l’ardeur généreuse, divine, avec laquelle les grandes âmes aspirent à s’emparer de toutes les souffrances et de toutes les joies des êtres créés, ne s’est point encore refroidie en eux, au souffle corrupteur de notre civilisation ; qu’on les suppose, au bord de la