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UNE SOIRÉE HEUREUSE

tomber dans les erreurs grossières que tu viens de relever. Ce que la musique exprime, est éternel, infini et idéal ; elle ne peint point la passion, l’amour, le désir de tel ou tel individu dans une situation donnée ; elle peint la passion, l’amour, le désir en général, dans l’innombrable variété de nuances, motivées par sa nature particulière, et qui sont étrangères et inaccessibles à toute autre langue : libre à chacun d’en jouir selon sa force et sa capacité.

— Et moi, interrompit mon ami avec enthousiasme, je jouis aujourd’hui de la joie, du bonheur dont les pressentiments d’un monde meilleur ont inondé mon cœur, pendant que j’écoutais les merveilleuses révélations de Mozart et de Beethoven. Vive le bonheur ! vive la joie ! vive le courage qui nous enflamme dans la lutte contre notre destinée ! Vive la victoire que, dans la conscience d’un but élevé, nous remportons sur l’ignoble vulgaire ! Vive l’amour qui récompense notre courage ! vive l’amitié qui soutient notre foi ! vive l’espérance qui se marie à nos pressentiments ! vive le jour ! vive la nuit ! Gloire au soleil ! gloire aux astres ! trois fois gloire à la musique et à ses grands-prêtres ! Adoration éternelle à Dieu, au Dieu de la joie et du bonheur, au Dieu qui créa la musique ! Ainsi soit-il.

Bras desssus, bras dessous, nous nous dirigeâmes vers nos demeures ; nous nous serrions la main sans prononcer une parole.