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XI
AVANT-PROPOS

royale de musique. « Les représentations du Grand Opéra, lit-on dans la Lettre à Frédéric Villot, la perfection de l’exécution musicale et de la mise en scène, ne pouvaient manquer de produire sur moi une impression d’éblouissement et de m’enflammer »[1]. Mais ses opinions se modifièrent bientôt par suite de sérieuses et mûres réflexions. Il étudia les opéras importés en France par l’Italie, et s’aperçut qu’ils ne se soutenaient que par artifice. Les virtuoses italiens, bouffis d’un fol et insupportable orgueil, insouciants des œuvres qu’ils interprétaient et qu’ils clinquantaient à l’envi, contribuèrent puissamment à le dégoûter de ces produits exotiques. Les compositions françaises ne le satisfirent pas davantage. Il vit que les « lions de la musique »[2], comme Auber et Halévy, oubliaient souvent de marcher résolument à leur but idéal, pour flatter le goût du public, détenteur de la renommée. Il remarqua notamment que le « conventionalisme antiartistique »[3] régnait despotiquement sur notre première scène lyrique où l’on jouait des ouvrages d’art pour la plupart « mesquins et artificiels »[4]. « Le Grand Opéra, nota-t-il plus tard, me laissa tout à fait mécontent par l’absence de tout esprit supérieur dans ses interprétations : je trouvai tout commun et médiocre. La mise en scène et les décors, je le dis franchement, sont ce que je préfère dans toute l’Académie royale de musique »[5].

Au milieu de ce monde frivole et vain, Wagner sentit

  1. Quatre Poèmes d’Opéras (traduction Charles Nuitter) et précédés d’une Lettre sur la Musique, par RICHARD WAGNER (traduction Challemel-Lacour) ; nouvelle édition Paris, Durand et Calmann-Lévy, 1893. — p. xx.
  2. Souvenirs, p. 36.
  3. L’Œuvre et la Mission de ma Vie, p. 41.
  4. Id., id.
  5. Souvenirs, pp. 37-38.