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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

à mon avis, que chez Mozart le langage du cœur s’exhale en doux et tendres désirs, tandis que dans l’œuvre de son rival le désir s’élance audacieusement vers l’infini. Dans la symphonie de Mozart, c’est la plénitude du sentiment qui prédomine ; dans celle de Beethoven, c’est la conscience courageuse de la force.

— Que j’aime, reprit mon ami, que j’aime à t’entendre caractériser ainsi ces sublimes compositions instrumentales ! Ce n’est pas que je croie que, dans ces aperçus rapides, tu en aies révélé le sens complet dans toute sa profondeur. On ne saurait le sonder, on saurait encore moins l’exprimer dans aucune langue humaine ; tout comme la musique est impuissante à rendre d’une façon claire et précise ce qui est du ressort exclusif de la poésie. Il est vraiment malheureux que tant de gens veuillent à toute force se donner la peine inutile de confondre le langage musical avec celui de la poésie, et de vouloir compléter par l’un ce qui, d’après leurs vues étroites et bornées, resterait incomplet dans l’autre. C’est une vérité établie à tout jamais : là où le domaine du langage poétique cesse, commence celui de la musique. Rien ne me paraît plus insupportable que tous ces contes niais sur lesquels on prétend que ces compositions se fondent. Il faut qu’ils soient complètement dépourvus de sensibilité et d’intelligence artistique, ceux qui, pour suivre avec un intérêt soutenu l’exécution d’une symphonie de