Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

nant cette tradition pour texte de son opéra, Weber savait qu’il serait compris aussi bien dans les accords profondément mystérieux de l’ouverture, que dans les simples et joyeuses mélodies du chœur des jeunes compagnes de la fiancée. En effet, en glorifiant le vieux conte populaire, le compositeur s’assurait un triomphe, dont jusque-là il n’y avait point eu d’exemple. Aux accords de cette suave et profonde élégie, il vit se confondre dans un même sentiment d’admiration ses compatriotes du nord et du midi, depuis les sectateurs de la Critique de la raison pure de Kant, jusqu’aux lecteurs du Journal des modes de Vienne. Le philosophe de Berlin fredonnait gaiement : Nous le tressons la couronne virginale ; le directeur de police répétait avec enthousiasme : À travers les bois, à travers les prairies ; tandis que le laquais de cour chantait d’une voix enrouée : Que peut-on comparer sur terre aux plaisirs de la chasse ? Et moi-même, je me rappelle qu’étant enfant, je m’efforçais de donner une expression diabolique à cet air si âpre, si sauvage : Ici-bas dans cette vallée de larmes. Le grenadier autrichien marchait aux sons du chœur des chasseurs ; le prince Metternich dansait la valse des paysans de la Bohême ; et les étudiants d’Iéna chantaient le chœur moqueur (Spottchor) à leurs professeurs. Cette fois, tous les divers éléments de la vie politique allemande, qui se brise dans tous les sens, se réunissaient