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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

il s’agissait positivement du salut de son âme ! Et pourtant il n’avait pas d’autre ressource ; c’était le seul moyen de se soustraire à l’influence de l’astre malfaisant qui pesait sur lui. Pâle, une flamme sinistre dans les yeux, il retourne auprès de sa bien-aimée. L’aspect de la pieuse et candide jeune fille ne saurait le calmer ; il sait qu’il n’a que deux partis à prendre : renoncer à elle et à son bonheur ici-bas, ou tenter une chance terrible et recourir à l’enfer. Le feuillage des arbres frémit doucement autour de la maison solitaire du forestier ; la joyeuse compagne de celle qu’il aime cherche vainement à l’égayer ; vainement la jeune fiancée enlace ses bras autour de la taille de son prétendu. Il reste immobile, les yeux fixes, concevant dans sa pensée les terribles mystères vers lesquels il se sent entraîné ; il croit entendre de loin les accents formidables qui l’appellent à la Gorge-aux-Loups où son camarade l’attend pour l’initier aux pratiques de l’enfer ! Il s’arrache des bras de sa fiancée qu’agitent de cruelles appréhensions : pour la posséder il est prêt à sacrifier le salut de son âme.

Guidé par les puissances ténébreuses auxquelles il s’abandonne, il arrive au séjour redouté où son camarade a tout disposé pour l’œuvre des ténèbres. En vain l’ombre de sa mère lui apparaît pour le mettre en garde contre les sortilèges du démon ; poussé par le désespoir, il descend dans