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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

dont la profondeur échappait à ses regards. Là surgissaient des rangées de rochers qui offraient l’apparence de membres humains, de visages hideusement contournés ; puis c’étaient des amas de pierres noires sous la forme dégoûtante de crapauds et de lézards gigantesques. À une certaine profondeur, ces pierres semblaient vivantes ; elles se mouvaient, elles rampaient et roulaient en masses épaisses et informes ; ce qu’il y avait plus bas encore, on ne pouvait le distinguer. Des vapeurs livides montaient incessamment en répandant au loin une odeur pestilentielle ; elles s’ouvraient et se déployaient çà et là en larges bandes, et prenaient l’apparence de figures humaines, qui grimaçaient avec leurs traits brisés par de hideuses contorsions.

Au milieu de toutes ces horreurs apparaissait, perché sur un tronc d’arbre pourri, un énorme hibou engourdi dans le repos du jour ; en face, était une porte sculptée dans le roc ; auprès, veillaient deux monstres dont l’étrange structure offrait un mélange du lézard, du serpent et du dragon ; ils paraissaient également enchaînés par un sommeil léthargique, et un terrible pressentiment avertissait le chasseur que toute cette engeance pouvait bien ne commencer à vivre qu’à minuit. Mais ce qu’il entendait lui inspirait plus d’effroi encore que ce qu’il voyait. À travers les sapins qui s’inclinaient sur la crête de la gorge, roulait une tempête inces-