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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

de Montmartre. Je saluai le mont des Martyrs, et résolus de finir sur ce coin de terre ; car je mourais, moi aussi, pour la pureté de la croyance ; je pouvais, moi aussi, me dire martyr, quoique ma foi n’eût jamais été combattue par personne, si ce n’est par la faim. Ici, malheureux, sans asile, j’ai trouvé un toit ; je n’ai pas demandé autre chose, sinon qu’on me donnât ce lit et qu’on fît chercher les partitions et les papiers que j’avais déposés dans un misérable bouge de la grande ville, car je n’avais, hélas ! pu réussir à les mettre quelque part en gage. Tu me vois, j’ai résolu de mourir en Dieu et dans la véritable musique. Un ami me fermera les yeux ; mon chétif avoir suffira pour payer mes dettes, et j’aurai sans doute une sépulture honorable, que puis-je donc souhaiter de plus ?

Je donnai jour enfin aux sentiments qui m’oppressaient :

— Comment, m’écriai-je, as-tu pu ne m’invoquer que pour ce triste service ! Ton ami, quelque mince que fût son pouvoir, ne pouvait-il donc pas t’être utile d’une autre manière ? Je t’en conjure, pour ma tranquillité, parle sincèrement, était-ce un défaut de confiance dans mon amitié, qui t’empêcha de t’adresser à moi et de me faire connaître plus tôt ton sort ?

— Oh ! ne te fâche pas, répondit-il d’un air suppliant, ne te fâche pas contre moi quand je t’avouerai que je m’opiniâtrais à te regarder