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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

rauque et dans un mouvement d’exaltation insensée. Il regarda vivement autour de lui, et parut chercher son chien ; son œil allumé se porta sur la large chaussée. À ce moment passait sur un magnifique cheval un homme élégant qu’à sa physionomie et à la coupe de ses habits on reconnaissait pour un Anglais. À ses côtés courait en aboyant fièrement un grand et beau chien de Terre-Neuve. — Ah ! mon pressentiment ! s’écria à cette vue mon pauvre ami transporté de rage et de fureur. Le maudit ! mon chien ! mon chien !

Toute ma force fut brisée par le pouvoir surhumain avec lequel le malheureux, prompt comme l’éclair, s’arracha de mes mains. Il vola comme une flèche à la suite de l’Anglais, qui, par hasard, mit au même instant son cheval au grand galop, que suivait le chien avec les bonds les plus joyeux du monde. Je courus aussi, mais en vain. Quels efforts pourraient égaler l’exaltation d’un fou furieux ? Je vis cavalier, chien et ami disparaître dans une des rues latérales qui conduisent dans le faubourg du Roule. Arrivé à cette rue, je ne les vis plus. Il suffit de dire que tous mes efforts pour retrouver leurs traces demeurèrent sans résultat.

Ébranlé et surexcité moi-même jusqu’à une sorte de délire, je dus pourtant me résoudre à la fin à suspendre provisoirement mes recherches. Mais on m’accordera facilement qu’aucun jour ne se passa de ma part sans efforts pour retrouver