Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

les plus saisissantes en poésie et en politique viennent se dérouler devant le public le plus impressionnable et le moins prétentieux du monde ? Ce héros si téméraire, n’est-ce pas Don Juan ? Ce chat blanc, d’une beauté si mystérieusement effrayante, ne me représente-t-il pas trait pour trait le gouverneur à cheval ? Quelle ne sera pas l’importance artistique de ce drame quand j’y aurai adapté une musique ! Quels organes sonores chez ces acteurs ! Et le chat ! Ah ! le chat ! Quels trésors secrets restent maintenant cachés dans son admirable gosier ! Jusqu’à présent il n’a pas fait entendre sa voix ; maintenant il est encore tout démon. Mais quel indicible effet ne produira-t-il pas lorsqu’il chantera les roulades que je saurai si bien calculer pour sa voix ! Quel incomparable portamento dans cette céleste gamme chromatique que je lui destine ! Qu’il sera terrible, son sourire, quand il dira ce passage qui doit avoir un si prodigieux succès ! Oh ! Polichinelle, tu es perdu ! Quel plan admirable ! Et puis quel excellent prétexte pour l’emploi constant du tam-tam que les éternels coups de bâton de Polichinelle ne viennent-ils pas me fournir ! Eh bien ! pourquoi tarder à m’assurer la protection du directeur ? Je puis me présenter tout de suite ; ici, du moins, il ne sera pas question de faire antichambre ; un seul pas, et me voilà au milieu du sanctuaire, devant celui dont l’œil divinement clairvoyant n’hésitera