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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

Palais-Royal avec un beau chien et un artiste enthousiaste. Dans cet intervalle, des spéculations singulièrement heureuses m’avaient amené à un si surprenant degré de prospérité, qu’à l’exemple de Polycrate, je ne pouvais m’empêcher de craindre que je ne fusse sous le coup imminent de quelque grand malheur. Il me semblait même l’éprouver par avance ; ce fut donc dans une disposition d’esprit assez peu riante qu’un jour j’entrepris ma promenade accoutumée aux Champs-Élysées. On était alors en automne ; les feuilles jaunies jonchaient la terre, et le ciel semblait couvrir d’un vaste manteau gris la magnifique promenade. Cependant Polichinelle ne laissait pas de se livrer comme de coutume aux accès toujours renaissants de sa vieille et frappante colère. S’abandonnant à son aveugle fureur, l’audacieux bravait comme toujours la justice des hommes, jusqu’à ce qu’enfin le courroux du mortel téméraire fût forcé de céder aux épouvantables coups de griffes du principe infernal si merveilleusement représenté par le chat enchaîné. Soudain j’entendis auprès de moi, à peu de distance du modeste théâtre des terribles exploits de Polichinelle, quelqu’un débiter d’une voix étrangement accentuée le monologue suivant :

— Admirable en vérité ! admirable ! mais comment diable ai-je été chercher si loin ce que j’avais là sous la main ? Eh quoi ! Est-ce donc un théâtre si méprisable que celui-ci où les vérités