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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

peut-il pas être une heureuse étoile ? La découverte d’un trésor caché ne peut-elle donc pas être amenée par un miracle ? Précisément parce qu’il ne m’arrivait jamais de rencontrer soit une romance, soit une ouverture, soit enfin quelque composition du genre facile, portant le nom de mon ami, j’aimais à croire qu’il s’était attaqué tout d’abord et avec succès à la réalisation de ses plans les plus grandioses, et que, dédaignant les éléments d’une modeste réputation, il s’était voué corps et âme à la composition de quelque opéra en cinq actes pour le moins. Il est bien vrai que je m’étonnais parfois de ne jamais entendre prononcer son nom, dans aucune des réunions artistiques où il m’arrivait d’assister. Mais comme j’allais peu dans cette sorte de monde, car je tiens moins du musicien que du banquier, je croyais ne m’en devoir prendre qu’à ma mauvaise chance qui m’éloignait précisément des cercles où sa gloire brillait sans doute de l’éclat le plus vif.

On croira sans peine qu’il dut s’écouler un temps assez considérable avant que le douloureux intérêt que m’avait d’abord inspiré mon ami put se changer chez moi en une confiance presque sans bornes dans sa bonne étoile. Pour en venir là, il me fallut nécessairement passer par toutes les phases les plus diverses de la crainte, de l’incertitude et de l’espoir. Aussi s’était-il déjà écoulé près d’un an depuis ma rencontre au