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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

que chose de remarquable. Je ferai entendre mes lieder, et je serai peut-être aussi chanceux que maint et maint compositeur. Comme tant d’autres, je serai peut-être assez heureux, sans autre secours que ces productions si simples, pour captiver l’attention d’un directeur de théâtre à ce point qu’il n’hésitera pas à me confier la composition d’un opéra.

Ici encore le chien de mon ami poussa un cri douloureux ; cette fois, c’était moi qui, dans une contraction pour retenir une violente envie de rire, avais marché sur la patte du noble animal.

— Eh quoi ! m’écriai-je, est-il bien possible que, sérieusement, tu entretiennes de si folles pensées ? Mais où diable as-tu vu ?…

— Mon Dieu, répliqua mon enthousiaste, serait-ce donc la première fois qu’une semblable circonstance se serait présentée ? Faut-il te citer ici tous les journaux dans lesquels j’ai lu si souvent comment tel ou tel directeur de théâtre avait été si profondément ému par l’audition d’une romance, comment tel ou tel poète s’était trouvé si soudainement impressionné par le talent jusqu’alors ignoré d’un compositeur, que, d’un commun accord, poète et directeur se sont à l’instant engagés, l’un à fournir un libretto, l’autre à assurer la représentation de l’ouvrage ?

— Ah ! est-ce donc là que nous en sommes ? lui répondis-je en soupirant ; c’est par des articles de journaux que tu as laissé égarer ton candide